Faut-il avoir peur de l’Intelligence artificielle ?

Plusieurs études menées ces six dernières années placent l’expertise comptable dans le Top 5 des professions menacées de disparition par l’hégémonie de l’IA. La machine pourra-t-elle réellement un jour se substituer à la qualité de l’écoute, à l’acuité du conseil, à la richesse de la proximité ? Eléments de réponse…

Le constat relève de l’euphémisme : depuis trente ou quarante ans maintenant, l’informatique s’est fait une place au soleil de notre économie. Dans ce contexte de digitalisation galopante, les métiers de la finance ont compté parmi les premiers et les plus rapides à faire confiance à l’intelligence artificielle pour se libérer de la contrainte de tâches répétitives et souvent rébarbatives, misant notamment sur l’automatisation des saisies, de la gestion des données ou du tri de documents pour s’économiser du temps, de l’énergie et, bien souvent, de l’argent.

Selon de nombreuses études, les experts-comptables seraient, aux côtés des caissières et des manutentionnaires, des banquiers et des secrétaires (…), en première ligne des métiers menacés de disparition en cas de prise de pouvoir hégémonique de la machine sur l’homme. Ainsi mise en perspective, l’hypothèse d’une mort annoncée se heurte pourtant à la froideur des chiffres. « Quand j’ai moi-même proposé les premiers logiciels de comptabilité aux cabinets d’expertise comptable, au début des années 80, les collaborateurs étaient étonnés de constater qu’avec ces outils, la balance comptable était toujours équilibrée », rappelle l’expert John Rauscher (voir interview dans la suite de l'Echo 10). Leur réaction spontanée était souvent de dire : « Si mon travail doit se limiter à la saisie des opérations diverses, que vais-je devenir ?  Quarante ans plus tard, force est de constater que l’informatique n’a pas fait disparaître notre profession. Les chiffres nous disent même qu’il y a aujourd’hui environ 40% de comptables en plus qu’à l’époque dans les cabinets et les entreprises. »

Un conseil encore plus personnalisé

Non seulement « l’informatique n’a pas fait disparaître la profession », mais dans son souffle, l’IA l’a considérablement aidée à grandir. En assouplissant l’organisation des cabinets, en dopant leur productivité, en fluidifiant la saisie comptable et même, point crucial, en renforçant l’attractivité des métiers auprès des nouvelles générations, elle l’a tout juste contrainte à se réinventer. « Et cela va continuer », prédit John Rauscher.

Non seulement de nouveaux métiers, ingénieurs informatiques, data scientistes, analystes (…) vont se démocratiser au sein des cabinets, mais en plus, ces derniers vont devoir se diversifier en proposant d’autres services et un conseil toujours plus personnalisé à leurs clients. « Un bon expert-comptable est avant tout un bon conseiller, précise l’entrepreneur-investisseur. Et le bon conseiller est celui qui pose les bonnes questions. C’est le travail collaboratif entre l’être humain et la machine qui permet d’obtenir les meilleurs résultats. L’expert-comptable a de fait tout intérêt à travailler main dans la main avec l’IA pour faire du développement du conseil personnalisé une vraie valeur ajoutée pour le client et la voie la plus sûre pour le fidéliser. Pour vendre du conseil, la première étape est probablement de mettre en place un outil de génération automatique de lettres de missions de conseil personnalisées. Là encore, l’IA qui rédige automatiquement ce type de document se révèle incontournable. »

Existe-t-il donc encore un danger à laisser l’IA faire son nid sur la branche la plus haute et la plus florissante du conseil avisé ?

Oui si la profession réfute toute idée de collaboration active.

Non si l’ouverture sur le progrès, l’innovation et l’adaptabilité aux évolutions de ce monde s’érige en véritable stratégie d’entreprise.

Et puis, rassurons-nous ! Ni ordinateur, ni robot ne supplantera jamais le caractère essentiel des relations humaines, la chaleur de l’échange, la profondeur de l’affect. Il y a même fort à parier que de-main, la profession d‘expert-comptable sera encore plus humaine, encore plus à l’écoute. Parce que c’est son ADN, sa raison d’être. La technologie, elle, continuera de remplir ses bons offices : se placer au service des hommes qui l’ont créée, développée et enrichie. De quelle peur parlons-nous ?

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