David Djaïz : les années 2020 sont un carrefour de transition

Normalien et énarque, David Djaïz est aujourd’hui enseignant à Sciences Po Paris et haut fonctionnaire. Après avoir pris la direction de la stratégie et de la formation de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, l’essayiste et philosophe agenais a endossé, l’an passé, l’habit de rapporteur général du tout nouveau Conseil National de la Refondation. Sa conférence du 7 juillet sera l’un des points d’orgue de l’AG…

Pouvez-vous nous parler de la nature des relations que vous entretenez avec la profession d’expert-comptable ?

« Je porte, depuis longtemps, un grand intérêt à la profession d’expert-comptable et au rôle essentiel que les professionnels du secteur jouent dans l’accompagnement du tissu économique de notre pays, notamment des petites et moyennes entreprises. Les experts-comptables sont au contact direct de notre économie et de sa diversité, de nos territoires. A ce titre, ils peuvent être des catalyseurs du changement. La révolution digitale, les bouleversements climatiques, la mondialisation… sont autant de défis qui affectent profondément nos entreprises. Face à ces enjeux, l’expert-comptable doit monter en compétences pour jouer pleinement son rôle de conseil auprès des dirigeants. »

Vous avez été désigné rapporteur du tout nouveau Conseil National de la Refondation, créé, en octobre 2022, à la demande du président de la République. Pouvez-vous nous présenter, en quelques mots, ses rôle et missions ?

« Le CNR est né d’une démarche d’amélioration de l’action publique qui repose sur deux piliers. D’un côté de grandes concertations nationales sur des politiques publiques comme le logement, le numérique, le vieillissement… L’enjeu est d’arriver à construire des réponses en associant tous les acteurs dès la phase de diagnostic : l’État bien sûr, mais aussi les collectivités, les entreprises, les citoyens. Ces concertations se sont achevées tout récemment et se transformeront peu à peu en projets de loi et/ ou en plans d’action. D’un autre côté, nous avons engagé une révolution très profonde dans la façon de « produire » le service public. Pour l’école, la santé, les crèches ou l’accueil des personnes âgées dépendantes, nous allons repartir du terrain, écouter les professionnels et les usagers, et adapter, autant que faire se peut, le service public aux spécificités de chaque territoire. A titre d’exemple, nous proposons à chaque communauté éducative de se lancer dans l’élaboration d’un diagnostic sur son école -qu’est-ce qui marche ?, qu’est-ce qui ne marche pas ?- et d’élaborer ensuite un projet pédagogique visant à répondre aux difficultés identifiées. La pyramide est inversée : ce n’est plus le « haut » qui dicte au « bas » la manière de faire, mais le contraire. »

Les TPE-PME sont confrontées à un monde nouveau et ont besoin des experts-comptables pour les guider.

Aménagement du territoire, transition écologique, transformation des organisations… Quel est, selon vous, l’Everest français des années 2020 et 2030 ?

« Les années 2020 constituent une période charnière, et même décisive, car elles sont un carrefour de transitions. Nous allons vivre trois ruptures majeures : l’accélération du changement climatique et la nécessité de bâtir durant ces années des réponses fortes ; la révolution de l’intelligence artificielle, qui entre dans nos vies et nos usages quotidiens, comme on le voit avec ChatGPT ; enfin le vieillissement de la population, qui devient une réalité de plus en plus forte. Les pays qui s’en sortiront seront ceux qui arriveront à penser ces défis pour mieux les relever. En réalité, il est possible de les transformer en opportunités. »

On entend souvent dire que la France vit une crise de conscience, voire de civilisation. L’Etat République est-il à ce point chancelant ?

« Effectivement, nous sommes à l’aube d’un nouveau modèle français. Il va nous falloir la même énergie et le même esprit de conquête que les Résistants de 1943 pour jeter les fondements de ce nouveau modèle français. L’enjeu est de retrouver une base productive puissante et cela passe par la réindustrialisation. Mais une réindustrialisation qui s’inspire de la révolution énergétique et écologique en cours. Cette base productive retrouvée permettra de financer le nouveau modèle social français et les sécurités de demain, fondées sur la prévention plutôt que la curation. »

Quel message viendrez-vous adresser, le 7 juillet, aux experts-comptables présents ?

« D’abord, je tiens à dire que je suis très heureux que ma ville de naissance et de cœur, où j’ai mes attaches familiales, ait été choisie pour accueillir un tel événement. Le 7 juillet, je m’efforcerai de dire ou redire aux experts-comptables que le pays tout entier compte sur eux pour accompagner, orienter, conseiller les chefs d’entreprise au mieux de leurs intérêts et de leurs attentes et les aider à faire face aux grandes mutations, numérique, écologique, démographique… qui se font jour. L’économie au sens large, les TPE PME en premier lieu, sont confrontées à un monde nouveau, à la fois angoissant et passionnant, et ont besoin des experts-comptables pour les guider. En toute humilité, je viens insuffler un élan positif. C’est ce qui nous manque le plus en ce moment. »

 

Rendez-vous le 7 juillet prochain au Stade Armandie à Agen pour l'assemblée générale des experts-comptables de Nouvelle-Aquitaine.